D’abord il rappelle l’histoire. Celle d’un rêve vite épuisé de faire ensemble et de partager l’espace. Séparé en deux originellement par ses deux portes et par l’estrade de l’étage supérieur, ce sont nos désirs et nos peines qui le divisent aujourd’hui. Chacun respecte la fonction et l’espace qui a été attribué dans un éternel non-dit de notre inconscient collectif que personnes ne semble vouloir interroger. Pourtant il est bourré de trésors et d’indices. Si nous ne voulons plus vivre ensemble, nous ne pourrons pas empêcher l’expression de nos sentiments. Certains diront le hasard, mais pourquoi ne pas donner un sens au hasard à un moment où il est impossible de donner un sens à ce qui arrive au monde.
A droite quand on lui fait face, à gauche quand on regarde vers la sortie : l’étage supérieur. Les deux pianos à queue contre le mur sont des vestiges des anciens habitants de cette maison, imposants, insoulevables, désaccordés plus personne ne joue de cette musique. Mais ils sont là pour nous dire qu’on ne peut pas effacer l’empreinte des anciens. Puis il y a la fenêtre par laquelle passe les chats qui cherchent refuge, personne ne veut de chats mais personne ne veut fermer cette fenêtre, chacun se rassure de son empathie et son humanité comme il peut. Sous cette fenêtre, les tréteaux et le plan de travail de jardinage de M. Si l’étage inferieur est son donjon, sa main verte le guide vers des zones plus fertiles à l’élaboration de la vie. Dernière incursion de ce lutin dans notre couple qui n’oserait pas s’y aventurer portes ouvertes. Deux pianos, deux vélos, des paires de poids et un matelas king-size. Deux tréteaux, comme la chanson des vieux amants, toujours debout prêt à accueillir sur leur union la plantation d’une graine. Enfin reste un espace revêtu d’une couche plus souple, plus tendre et plus accueillante que le gravier et la poussière ambiante ; qui d’ailleurs revient de manière anonyme et incessante. A chaque ouverture de la porte il faut d’abord faire l’aveu que ce revêtement a été sali d’une manière si évidente et exposée qu’il est impossible de ne pas y voir l’expression d’une agressivité passive. Mais c’est après qu’intervient le sadisme du profanateur puisqu’après avoir salit le lieu du plaisir futur il nous oblige à balayer encore et encore les traces de sa présence. Heureusement que le balai rouge agit comme une flûte enchantée et nous permet de reprendre notre danse et déposer quelques gouttes de sueurs des efforts partagés. Pour finir quelques cartons, remplis de dons qu’on ose faire qu’à moitié mais qui finissent par s’en aller en même temps que les souvenirs qu’ils gardent.
L’étage inférieur, lui, m’est moins familier tant l’envie de s’en servir s’est éteint aussi vite que la mutation de sa fonction s’est opérée. Remplis de vieux canapés rapportés de notre appartement, il accueille l’ivresse et la fumée d’interdits qui cherchent refuge. Souvent malheureusement nous ne participons à ces réunions que de manière auditive par la transmission sonore des conduits de cuivre qui traversent l’entièreté de la maison et qui jonchent un pan de mur de cet étage. Dans cet habitacle nocturne même de jour se trouvent les souvenirs laissés de moments partagés. Une affiche, une guirlande, un costume, quelques bouteilles et le cendrier qui déborderai même vide tant il est nourri quotidiennement. Des objects censé rappeler qu’on y fait la fête et non qu’on s’y donne la mort.
Antoine T.