Lui – Allons-nous-en.
Elle – On ne peut pas.
Lui – Pourquoi ?
Elle – On attend la fin du confinement.
Lui – C’est vrai. (Un temps.) Tu es sûre que c’est ici?
Elle – Quoi ?
Lui – Qu’il faut attendre.
Elle – Le gouvernement a dit chez vous. (Ils regardent autour d’eux.) On est bien chez nous?
Lui – Qu’est-ce que c’est?
Elle – On dirait une porte.
Lui – Où est la clé ?
Elle – Elle doit être dans la serrure.
Lui – Finis les pleurs.
Elle – A moins que ce ne soit pas le bon moment.
Lui – Ce ne serait pas plutôt un placard ?
Elle – Un portail.
Lui – Un placard.
Elle – Un – (Elle se reprend.) Qu’est-ce que tu veux insinuer? Qu’on s’est trompé d’endroit?
Lui – La fin du confinement devrait arriver.
Elle – Ils n’ont pas dit ferme quand elle viendrait.
Lui – Et si elle ne vient pas aujourd’hui?
Elle – Nous continuerons demain.
Lui – Et puis après-demain.
Elle – Peut-être.
Lui – Et ainsi de suite.
Elle – C’est-à-dire…
Lui – Jusqu’à ce qu’elle vienne.
Elle – Tu es impitoyable.
Lui – Nous étions déjà là hier.
Elle – Ah non, là tu te goures.
Lui – Qu’est-ce que nous avons fait hier?
Elle – Ce que nous avons fait hier?
Lui – Oui.
Elle – Ma foi… (Se fâchant.) Pour jeter le doute, à toi le pompon.
Lui – Pour moi, nous étions ici.
Elle – (regard circulaire) La situation te semble familière?
Lui – Je ne dis pas ça.
Elle – Alors?
Lui – Ça n’empêche pas.
Louise B., d’après En attendant Godot de Samuel Beckett