Je reste à regarder le temps #2

Je reste à regarder le temps qui passe, le soleil qui se lève chaque matin quelques minutes plus tôt signe que les journées s’allongent, que le temps des chaudes soirées d’été arrive bientôt, promesse de barbecues entre amis à rire aux éclats sur des sujets divers et variés, du rosé qui coule à flots. Je reste à regarder le temps qui passe, les secondes qui rythment nos journées de manière infernale. Je reste à regarder le temps qui passe et les minutes, plus lentes, qui nous permettent de réfléchir plus en avant à un embryon d’idée que nous avons eu lors de ces secondes. Je reste à regarder le temps qui passe et ces heures qui nous permettent d’avoir des activités qui prennent plus de temps comme faire à manger, marcher, ranger et nettoyer sa maison. Je reste à regarder le temps qui passe, ces jours qui se suivent et ne se ressemblent pas, quoique certaines habitudes sont bien en place, se lever, boire son café, aller au travail pour les jours de semaine, manger avec ses collègues, boire un nouveau café, re travailler, rentrer, manger, passer du temps avec l’être aimé. Je reste à regarder le temps qui passe, ces mois qui se suivent et dont rien ne reste « comme avant », les choses changent, les gens changent, je change, mais la base de ce que nous sommes reste. Je reste à regarder le temps qui passe, ces années qui avant prenaient beaucoup de temps à s’écouler mais plus notre âge avance plus on a un sentiment d’impression qu’elles sont de plus en plus courtes. Ça me laisse du temps de prendre du recul, d’essayer d’être une meilleure version de moi-même avec les années qui passent, d’avoir plus de patience et de compréhension sur le changement. Ne dit-on pas qu’un grand cru se bonifie avec l’âge ? Je pense que cela s’applique aussi à nos personnalités. J’aime ma vie et ce que j’en fais.

Matthieu J.

Les heures #5

L’heure du réveil qui sonne aux alentours de 7h30.
L’heure de la douche.
L’heure de l’odeur du café bien chaud qui arrive à mes narines.
L’heure de partir au travail.
L’heure du petit-déjeuner.
L’heure de la séance quotidienne.
L’heure du repas de midi, toujours à 13h.
L’heure du second café de la journée, au troisième selon l’humeur.
L’heure de finir sa journée de travail et prendre sa voiture pour rentrer chez soi.
L’heure d’aller faire les courses.
L’heure d’arriver à la maison aux alentours de 18h.
L’heure de profiter un peu de soi et de faire certaines activités pour soi.
L’heure de préparer le repas du soir, voir de commander via une de ces fameuse app si on a la flemme.
L’heure de passer du temps avec l’être aimé en regardant un film, jouant à des jeux vidéos, lire ou jouer au billard.
L’heure de s’enlacer.
L’heure de se coucher.
L’heure de se rendre compte que nos journées ont certaines similitudes.

Matthieu J.

Jour 16, 17, 18?

L’Hôtel Particulier, jour 16, 17, 18 ? Peu importe.

(de la rue X, si vous frappez à la porte, d’abord un coup puis trois autres on ne vous laissera pas entrer ni seul et surtout pas accompagné…)

Ça commence à ressembler à un truc lactofermenté, je parle de l’intérieur, le grand intérieur de soi où des escaliers des couloirs sans fin se succèdent. 

A l’extérieur et Avant, je percevais que cela surfait sur la Tendance « healthy & colourfully food ». On les voit sur des étals de marchés ou dans de petites échoppes juste ce qu’il faut de déglingué mais proprettes. Alléchant les curieux gustatifs en mal de sensations authentiques.

Qui ne craque pas devant les couleurs acidulées, de l’orange des carottes ou du curcuma, les verts vifs, tendres, les petits pois tout ronds ou les tranches de fenouil ? Alignés en couches dans leurs bocaux présentés sur des étagères en bois, délicatement patinées. La fraîcheur du coup d’œil est garantie.

Toutes échoppes, gargotes, roulottes étant fermées, chiuso, cerrado, geschlossen, closed…

Revenons inéluctablement à la lactofermentation interne.

Bien que souvent contrastée, haute en couleurs, rouge, noir ébène, brunâtre, rarement toute blanche ou pour si peu de Temps, ce n’est pourtant pas ce dernier qui nous manque. 

De mon point de vue ces jours, ce n’est pas joli joli.

Les jours plus longs qui s’étiiiiirent, les nuits courtes en traitillé n’arrangent rien au processus fermentatoire.

La Digestion s’opère principalement pendant la nuit.

Elle a du boulot car elle gère aussi la partie Alimentaire mon cher Watson !

Des cultures considèrent le temps et la manière de choisir ses aliments, comme une qualité importante de nos nutriments. 

Qu’en est-il alors de la façon la plus courante que nous avons de faire nos achats en ces Temps ?

Lors du dernier commando Migros, je n’ai d’ailleurs pas vu où en sont les stocks de PQ, je m’en sers peu.

(non que ma digestion soit bloquée à ce point, juste que la bouteille de flotte à coté des chiottes convient parfaitement à l’affaire, sans malmener plus que nécessaire les forêts, comme ma conscience toute fragilisée, elle aussi)

L’approche du loooong week-end rendait donc les gens frappadingues dans la petite enseigne du géant Orange de la Rue X. Je vous passe les détails des allées-venues de chacun, impossibles à prévoir ni comprendre quand il nous tient bravement à cœur de respecter les consignes de sécurité, pour tous.

Même si dans le climat désorienté du shop j’ai zappé quelques produits utiles de ma liste mémorisée, j’ai choisi afin de récompenser le héros qui flageole encore en moi, d’ouvrir une bière (la boisson pas la boîte à défunt) à 16 heures tapantes. Passant ainsi outre mon : 

« Tâche vraiment de ne pas boire d’alcool avant 17 heures ou alors de manière occasionnelle et non répétée trop souvent. »

Notre météorisme interne est mis à rude épreuve, je voulais écrire d’un jet quelque chose là dessus. 

Les circonvolutions manifestes pour m’égarer de ce chemin prouvent que la marinade est encore en cours, qu’elle n’est pas prête à délivrer de résultat pas plus que ces aromes, loin de là.

Qu’il faut prouver et éprouver encore sa patience, qu’il est stérile d’espérer le chant du poussin avant que la poule ait pondu.

Sur cette image un brin Pascale à laquelle j’ajoute quelques lapins gambadant dans l’herbette, je vous souhaite de Joyeuses Pâquerettes, tenez bon !

Christine G.

En marchant

En marchant, 

je vois cet arbre là bas

Et je le reconnais

Je découvre les fleurs de ci de là

En marchant, 

j’entends soudain un oiseau, des oiseaux, leurs chants

En courant, 

Je laisse s’évaporer mes pensées 

Je vois les reflets de lumière dans la rivière

Et je la reconnais

Dix fois je fais le même chemin

Cent fois je fais les mêmes pas

Mes pieds frappent la terre

Le vent me balaye

Et mon amie c’est là ! 

Que j’ouvre les bras à la joie

Noëllie G.

Je dis OUI

Je dis OUI aux enchantements des premiers jours de printemps. Je dis OUI au soleil qui vous enveloppe au matin. Je dis OUI aux yeux fermés et aux mains qui découvrent. Je dis OUI à la note identique et à son effet pluriel. Je dis OUI aux résistants et aux réticents d’une compréhension unique. A chacun son mouvement sur une mélodie collective. Je dis OUI à l’envie de réaliser et aux surprises de l’incertain. 

Je dis OUI à la musique, celle des musiciens et celle des oiseaux de passage. Je dis OUI à l’incompréhension des mots prononcés et aux révélations des silences. Je dis OUI à la singularité des paysages dans lesquels on s’invente le dessin de nos corps. Je dis OUI aux courbes et aux marques du temps. Je dis OUI aux plaisirs, aux embrassades et à notre voyage. 

 Je dis OUI à l’intuition d’une rencontre. Je dis OUI à l’eau et l’odeur du soleil sur la peau. Je dis OUI aux sensibilités multiples et à la sensualité d’une nage. Je dis OUI aux fleurs offertes et à la mémoire d’une caresse. Je dis OUI aux désirs naissants contenus dans un sourire éphémère. Je dis OUI à l’incompréhension et à l’aveu de l’impuissance. 

Je dis OUI à l’indépendance et à l’envie d’appartenir. Je dis OUI aux pensées qui ouvrent des portes en courant d’air. Je dis OUI aux rires qui apportent une réponse. Je dis OUI aux liens à défaire et aux racines nouvelles d’une architecture mouvante. Je dis OUI aux forêts et aux zones d’ombres qui abritent les miracles. Je dis OUI aux couleurs en haut des cimes reflétant l’adieu au jour. 

Antoine T.

Les heures #4

L’heure de notre combat collectif: la vie

L’heure d’être ensemble ca fait du bien même quand il pleut

L’heure de l’ouverture de ses yeux collés chaque matin 

L’heure de nos corps en joie frissonnants

L’heure de cette odeur, la mésange avec laquelle je bois mon café 

L’heure de se réinventer 

L’heure de ne plus détruire

L’heure où la nature n’a jamais été aussi belle

L’heure de lutter collectivement

L’heure d’apprendre, de partager et de progresser sur notre chemin

L’heure de répéter partout bêtement : chercher ailleurs ce qui est vide à l’intérieur

L’heure de cette même perdition collective

L’heure de dépasser ses préoccupations matérielles

L’heure d’allumer notre machine

L’heure de poser une graine

L’heure des repas en famille ou seule mais réguliers

L’heure de se satisfaire un peu plus chaque jour

L’heure d’avoir du temps, de l’espace et de l’amour à partager

L’heure de désirer un nouveau monde

Agathe L.

Les heures #3

Il est l’heure de respirer, 
Au petit matin 

Il est l’heure de laisser venir les pleurs
Il est l’heure de laisser surgir la peur

Et dans le grand mouvement d’aile
Noire
De la pie qui s’envole
L’oeil curieux 

Il est l’heure de laisser vivre l’espoir 

Noëllie G.

Tout dire! #2

Tout dire ! Tout parler ! Oser ! Tout écrire ! Tout échouer ! Oser tout rater !  

Le confinement ? Ça ne doit pas être la fin du rêve. Je refuse de porter l’uniforme cérébral qu’on fait mettre de force à 4 milliards d’humains. Une camisole sanitaire qui m’arrache mes envies, celle d’un jour où de toujours, l’important c’est de désirer et ne pas arrêter de ressentir l’interrogation. Seulement voilà leurs interrogations je m’en fous, je me rends fou !

Je n’ai pas envie de porter la responsabilité d’une pandémie mondiale, pourtant disent-t-ils, c’est notre responsabilité à tous de respecter les consignes.  Mais les cons qui signent sauvent-ils vraiment des vies ? Nous avons autre chose à offrir que notre isolement. Si le moyen de continuer à vivre c’est de vivre seul et empêché, je dis NON. 

Je respire avec mes désirs et ce n’est pas le virus qui m’étouffe. « Docteur vous me restreignez, moi je m’autorise. »  Il avait donc raison ce patient. Autorisons-nous ! Je me demande ce qu’ils en ont fait de ceux qui n’ont pas pu s’échapper de l’institution. L’institutrice insistait sur l’importance du savoir vivre ensemble, je ne veux pas vivre comme vous Madame ! Pas de méthode donc. J’accepte l’inconnu de la destination volontiers, c’est ça le charme Madame !

On peut toujours sourire mais derrière un rideau. A quand la fin de l’entracte, je veux voir la suite. Rideau blanc, alors pourquoi on se déclare la guerre ? Il me reste un sourire, le plus beau et le plus doux, c’est assez pour prolonger l’apnée mais on ne s’est pas destiné à vivre sous l’eau. 

Antoine T.

Mon printemps confiné

Assis sur une chaise longue dans mon jardin, je vis le confinement en ce début de printemps. Le temps que j’ai à disposition ne me semble pas du tout long, j’ai plein de choses à faire comme compter les brins d’herbe de ma pelouse :

Un brin, deux brins, trois brins…

Dans un coin de mon jardin, des petites fleurs poussent. Je n’ai pourtant rien semé. La nature m’a offert une palette de plantes sauvages de toutes les couleurs : des pissenlits, des primevères, des pâquerettes, des perce-neiges, des violettes et encore plein d’autres dont je ne connais pas le nom mais j’en prends plein les yeux : du jaune, du blanc, du rose, du bleu, du violet posés en désordre sur un fond vert éclatant. Je suis content qu’il y ait majoritairement du vert, c’est ma couleur préférée.

Quatre brins, cinq brins, six brins…

Dans le deuxième coin de mon jardin, une table sur laquelle sont posé un ordinateur, une tablette, un verre et une bouteille d’eau. La situation nous force à rester à la maison avec ce temps qui reste beau et devient de plus en plus chaud : c’est pourquoi il faut toujours bien s’hydrater. Je me dis la situation n’est pas facile mais qu’on a tellement de chance de vivre ici. Dans onze minutes, j’ai rendez-vous pour une vidéo conférence avec mes élèves ; il faut continuer à leur apprendre des choses mais surtout j’ai envie de savoir comment ils vont. J’espère ne pas perdre le compte…

Sept brins, huit brins, neuf brins…

Au milieu de mon jardin, un grand arbre touffu avec une, deux, trois… un certain nombre de feuilles. Je suis content, j’ai encore trouvé une autre chose à faire lorsque j’aurai fini de compter les brins d’herbe de ma pelouse. Cet arbre sert de maison à de nombreux oiseaux différents… Certains sont beaux, certains chantent bien, certains me dérangent quand j’essaie de faire la sieste mais au fond je les aime tous. L’autre jour, j’ai fait la conversation en sifflant avec l’un d’entre eux. Je n’ai rien compris à ce qu’il me disait mais une chose est sûre, on s’est bien amusé tous les deux.

Dix brins, onze brins, douze brins…

Dans un autre coin de mon jardin, un tapis de sport, une corde à sauter, des raquettes de badminton. Pour pouvoir profiter pleinement de l’apéro du soir, il faut avoir fait brûler un peu de la réserve qui recouvre mon corps. Je ne fais pas de calcul précis mais j’aimerai avoir compte nul ou négatif entre calories consommées et dépensées. Certains jours, les courbatures, la chaise longue, le lit et le canapé s’allient pour m’en empêcher mais heureusement les collègues, les amis et ma copine se relayent pour m’accompagner dans mes exercices de routine.

Treize brins, quatorze brins, quinze brins…

Dans le dernier coin de mon jardin, un petit muret de pierre. Si on s’approche, on peut voir la vie grouiller : des gendarmes se baladent, ils apparaissent et disparaissent, parfois même ils s’accouplent ; on dirait alors deux insectes collés l’un à l’autre par l’arrière : s’engage alors un combat pour savoir qui va dans le bon sens. Les fourmis, pourtant réputées si organisées et travailleuses, ne sont pas du tout alignées, au contraire, elles partent dans toutes les directions dans un chaos vraiment très loin d’être orchestré.

Ça y est, j’ai encore perdu le compte mais au fond est-ce vraiment si important ? J’aurai le temps de recommencer demain ou après-demain ou après-après-demain. Le confinement est loin de se terminer et ça n’est pas pour me déplaire.

Quôc Anh B.

Les deux Chantal

J’ai deux amies qui me sont chères. Toutes les deux s’appellent Chantal.

Chantal D. est partie avec son mari fin février dans une station balnéaire chic de la Côte Est des États-Unis.

Son appartement fait face à la plage et à l’océan.

Aujourd’hui, les plages sont interdites. Ils ne savent pas quand ils pourront rentrer.

Chantal m’a dit que les armuriers ont été dévalisés bien avant le papier-cul.

En mai 1970 nous avions dansé tout un après-midi dans ma petite chambre du Grammont 2.

Quand vas-tu te décider à parler d’amour… chantait Sandie Shaw sur mon tourne-disque portatif. Nous dansions sans répit dans la chambre surchauffée.

Nous étions tellement heureuses.

Le lendemain, Chantal D. avait contracté la varicelle. Elle avait treize ans et je n’ai pas pu la voir pendant trois semaines.

Chantal B. habite depuis deux ans avec son deuxième mari à Montpellier.

Leur appartement fait face à la grande poste et leur rue porte le joli nom de Rondelet.

Aujourd’hui, il y a le couvre-feu à Montpellier. Chantal et D. lisent beaucoup.

J’ai connu Chantal B. dans un petit village cévenol. Nous venions d’y acheter une bergerie. 

Elle vivait dans un grand mas avec R. et leur petit garçon de 2 ans. 

L’été suivant, en 1985, elle a eu un second fils et c’est le premier bébé que j’ai tenu dans mes bras.

Sur la photo, on me voit assise au bord du Gardon avec le petit C. tout serré contre moi.

Carine B.