Avec P., chaque soir, nous tentons de rattraper les dix mille pas en parcourant le quartier.
Hier nous nous baladions aux Faverges quand P. reconnaît un immeuble et me dit :
– C’est là qu’habite Virginia, au rez-de-chaussée avec le balcon.
Et nous apercevons effectivement une petite dame âgée qui marche derrière une fenêtre éclairée.
P. tape à la vitre, Virginia sort sur le balcon, ne le reconnaît pas immédiatement, puis sourit :
– Attendez-moi sur le muret, je vous apporte les cafés.
Après un certain temps elle arrive avec un petit plateau et trois cafés dans trois gobelets en carton.
Nous sommes assises à quatre mètre l’une de l’autre. P. nous fait face.
Tous les deux se rappellent d’anciens souvenirs. Par son père Roland, P. avait fait la connaissance de Virginia au bar du Continental à Lausanne.
Ils parlent et parlent. Elle se tourne vers moi et me dit :
– Roland et ses deux fils, c’était quelque chose. Ils étaient tellement beaux. C’était quelque chose quand ils arrivaient au Continental.
C’était en 1971, peu de temps après Virginia s’est mariée.
Tout-à-coup, elle sort une photo de sa poche et dit à P. :
– Tiens tu la donneras à ton père.
On voit un homme debout dans l’océan. Il a de l’eau jusqu’à la taille. Il prend la pose d’un boxeur qui fait ressortir ses muscles, son ventre plat et son bronzage. Il nous regarde et sourit.
Roland avait déjà quatre enfants. Il avait divorcé dix ans auparavant et n’a plus jamais vécu en couple. Il vendait du vin et du champagne en Guadeloupe et en Suisse.
Carine B.